J’ai lu

Quatrième de couverture :

Un seul et même homme peut il à la fois …

Habiter trois villes différentes ?

Posséder trois identités reconnues ?

Aimer trois femmes intensément ?

Avoir trois vies par semaine.
Pour tirer les fils de cete intrigue qui mêle vengeance et manipulation : le maitre du suspense, Michel Bussi.

Renaud Duval est retrouvé mort en bas d’une falaise rocheuse.
La capitaine Katel Marelle mène l’enquête, l’affaire d’emblée est mystérieuse. Des traces suspectes laissent à penser qu’il ne s’agit pas d’un suicide. Dans la voiture elle trouve trois permis de conduire aux visages identiques, portant la même date de naissance mais aux noms différents Renaud Duval, Pierre Rousseau, Hans Bernard.
Un récit mené de main de maitre où s’enchainent des chapitres aux narrateurs différents . Comme à son habitude Michel Bussi entretient un suspens haletant. Il tire les ficelles de son roman comme le font les marionnettistes. L’intrigue remarquablement ficelée nous tient en haleine jusqu’au bout.

L’auteur profite de ce roman pour nous faire partager son goût pour les marionnettes et leur fonctionnement, et également son attrait envers la musique, le théâtre et la littérature.

Extraits:

_ Je m’appelle Mina. Je suis née en 1956, en Tchécoslovaquie, un pays qui n’existe plus. Un pays dont les plus jeunes doivent croire qu’il n’a jamais existé. Un pays au nom presque impossible à prononcer. Alors je préfère dire que je suis née en Bohême.
Je sais que ce noms fait rêver, en France.
C’est juste une question d’accent. La bohème que les Français aiment, celle des artistes et de l’insouciance, des mansardes de Paris et des poètes maudits, celle de Rimbaud et d’Aznavour, s’écrit avec un accent grave.
La mienne porte un chapeau. Bohême. Un couvercle. Un ciel de fer.

_ Nous ne sommes que des êtres de chiffon et de papier. On s’anime un jour, on croit vivre, on croit être libre, on détourne les yeux pour ne pas voir les fils de nylon, le décor de carton, on a si peur que le spectacle s’arrête, que tombe comme un couperet le rideau du castelet, de ne redevenir que ce qu’on a toujours été : un jouet ballotté par des forces invisibles, le temps d’une danse dans la lumière, avant d’être à nouveau rangé dans un tiroir, à plat dans le noir.

_ Quand vos enfants ramassent les rêves que vous avez abandonnés derrière vous, et s’en habillent pour vous ressembler ,c’est comme si l’on ne mourait jamais tout à fait.

Quatrième de couverture

« Je suis la voyante la plus en vue du pays et, depuis hier midi, je ne vois plus rien. »
Pourquoi, après vingt-cinq ans de cohabitation, l’esprit qui hante Chloé l’a-t-il soudain quittée pour sauter dans la tête d’un garçon de café, Zac, apiculteur à la dérive qui ne croit en rien ? La situation est totalement invivable, pour elle comme pour lui, d’autant que cet esprit qui s’est mis à le bombarder d’informations capitales et pressantes n’est autre qu’Albert Einstein…
Dans une comédie romantique haletante où la spiritualité s’attaque aux enjeux planétaires, Didier van Cauwelaert invente avec bonheur une nouvelle forme de triangle amoureux.

Une imagination toujours aussi phénoménale pour l’auteur qui nous entraine dans une histoire loufoque . Mais elle ne s’arrete pas là, elle donne matière à reflexion car à travers ce roman non seulement sont abordés des sujets d’actualité comme le devenir des abeilles mais aussi nous rencontrons Albert Einstein son passé tumultueux, sans cesse ballotté entre la reconnaissance générale et l’hypocrisie, entre le statut de génie du siècle à celui de clown.

Un livre qui se lit sans prise de tête et qui m’a plu .

Extraits :

_ Comme je l’écrivais dans mes jeunes années, l’être humain est une partie d’un Tout appelé Univers – une partie limitée dans le temps et l’espace qui se considère, de par ses pensées et ses émotions, comme séparée du reste. Cette illusion d’optique de la conscience est une prison, qui nous restreint à nos désirs personnels et à l’affection de quelques proches.

_ On se désolidarise assez vite du genre humain, lorsqu’on est serveur. Tous ces gens qui voyagent en classe ego, les touristes râleurs, les besogneux à heures fixes, les faiseurs de selfies m’isolent chaque jour davantage dans une détresse qu’ils n’auraient pas l’idée de soupçonner.

-vous désirez?
-la paix! Ai-je crié au serveur qui me tendait son menu.
Il a souri d’un air conciliant: ce n’était pas sur la carte mais il pouvait demander au chef.

_ – Ce que j’ai raté de mon vivant, répond le génie du XXe siècle dans son français de bibliothèque truffé d’inflexions germano-yiddish. Réussir l’éducation et le bonheur d’un enfant. Arrêter toutes les guerres. Aider les êtres humains à s’aimer davantage, à maîtriser leur avenir…Et sauver les abeilles.

Quatrième de couverture

Existe-t-il un moyen infaillible de rendre quelqu’un amoureux? Séparés, Louise et Adam habitent désormais à des milliers de kilomètres, lui à Paris, elle a Montréal. Par courrier, ils se lancent un défi : provoquer l’amour à coup sûr. Leurs échanges épistolaires, tout en évoquant les blessures du passé, racontent leur nouvelle vie, leurs nouvelles aventures et leurs réflexions sur le mystère des attirances et des sentiments. Mais ce jeu qu’est l’élixir d’amour – un piège qui provoque la passion – ne cache-t-il pas une autre manipulation?
« L’amour relève-t-il d’un processus chimique ou d’un miracle spirituel ? Existe-t-il un moyen infaillible pour déclencher la passion, comme l’élixir qui jadis unit Tristan et Iseult ? Est-on, au contraire, totalement libre d’aimer ? »
Anciens amants, Adam et Louise vivent désormais à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, lui à Paris, elle a Montréal. Par lettres, tout en évoquant les blessures du passé et en s’avouant leurs nouvelles aventures, puis se lancent un défi : provoquer l’amour. Mais ce jeu ne cache-t-il pas un piège ?
Observateur pertinent des caprices du cœur, Eric-Emmanuel Schmitt explore le mystère des attirances et des sentiments.

Un beau roman épistolaire sur l’amour, un sujet que l’auteur traite avec beaucoup de justesse avec des personnages attachants.

Extraits :

_ Louise,
Si tu m’écoutes, bonjour.
Si tu ne m’entends pas, adieu.
Selon ta réaction, cette lettre constituera le début ou la fin de notre correspondance.
Devant moi, un soleil flétri se lève et je contemple Paris auquel octobre donne la pâleur d’une bête indisposée, tourmentée par les feuilles mortes, incommodée par les circulations tapageuses, avide d’une paix qui tarde. Vivement l’hiver. La langueur de l’été s’efface et la capitale s’impatiente d’obtenir le froid, le sec, le clair. Deux saisons suffisent à une ville, la suffocante et la glaciale.
Louise, transformons notre passion blessée en affection sereine.

_ Tu évoques le coup de foudre .Cet événement est l’un de ceux qui obsèdent ma réflexion et que je tente de comprendre depuis longtemps , qu’ il concerne mes patients ou moi-même .
Comment s’opère le foudroiement ?
Une invasion ou une révolution intestine ?
Soit la foudre provient du monde ,soit elle sort de nous , de cette zone indistincte et intime ou nous désirons.
J’aurai envie de répondre qu’il s’agit d’un double déclanchement ,le feu surgit du corps étranger convoité ,le feu qui exsude du corps convoitant .

_ On peut être maître de ce que l’on pense, jamais de ce que l’on ressent.

J’ai lu

Quatrième de couverture :

 » Eté 1989. La Corse, presqu’île de la Revellata, entre mer et montagne. Une route en corniche, un ravin de vingt mètres, une voiture qui roule trop vite… et bascule dans le vide. Une seule survivante : Clotilde, quinze ans. Ses parents et son frère sont morts sous ses yeux.

Eté 2016. Clotilde revient pour la première fois sur les lieux de l’accident, avec son mari et sa fille ado, en vacances, pour exorciser le passé. A l’endroit même où elle a passé son dernier été avec ses parents, elle reçoit une lettre. Une lettre signée de sa mère. Vivante ? »

Encore une fois Michel Bussi joue avec nous, il réussit en semant ses indices à nous entrainer sur de fausses pistes. Chaque fois que nous croyons avoir trouvé l’auteur de ce terrible accident tout repart à zéro avec un nouveau rebondissement. Un suspens savamment entretenu qui rend l’addiction obligatoire. Les personnages sont forts et humains aux caractères bien trempés , le lieu où ils évoluent, la région de Calvi, est dépeint avec beaucoup de talent. Bref, vous ne pourrez plus lâcher le livre une fois la première page tournée et vous n’aurez de cesse de lever tous les mystères.

Extraits:

  • Faut vivre, mademoiselle, avait dit un jeune flic en posant une couverture de survie argenté sur son dos. Faut vivre pour eux. Pour ne pas les oublier.
    Elle l’avait regardé comme un con, comme un curé qui parle de paradis. Il avait raison pourtant. Même les pires souvenirs finissent par s’oublier, si on en empile d’autres par-dessus, beaucoup d’autres. Même ceux qui vous ont cisaillé le cœur, ceux qui vous ont rayé le cerveau, même les plus intimes. Surtout les plus intimes.
    Parce que de ceux-là, les autres s’en foutent.
  • Une vie, pensa-t-elle, se résumait à cela : profiter de la beauté du monde. Son harmonie. Sa poésie. La contempler avant que tout ne disparaisse. Au fond, on ne meurt pas, on devient aveugle. On comprend que c’est terminé lorsque toutes les merveilles autour de nous s’éteignent.
  • La mort n’était sans doute pour elle qu’une vieille dame à qui il fallait dire bonjour avec politesse quand on la croisait ; une vieille dame qu’elle ne reverrait jamais. a quinze ans, on est immortel.
  • La vendetta ? Mon Dieu, qui vous parle de ça ? (Soupir.) Qui parle encore de ça, à part vous, les journalistes ? Les meurtres dont vos colonnes font la publicité sont commis par des bandits, des voyous, des mafieux, pour quelques billets de banque, quelques grammes de drogue, quelques voitures volées. En quoi cela me concernerait ? En quoi cela concernerait un retraité isolé dans sa bergerie, qui ne sait même pas à quoi peuvent ressembler une barrette de cannabis, une prostituée yougoslave ou un carton de minitels tombé d’un conteneur sur le port d’Ajaccio ? La vendetta, mon Dieu, c’est bon pour les touristes qui lisent « Colomba ». (Retour du sourire.) Tout est beaucoup plus simple. Ne touchez pas à ma terre. Ne touchez pas à ma famille. Et alors, je serai le berger le plus pacifique, le plus inoffensif du monde.
  • La corse était comme elle, une orpheline. Belle et solitaire. Elle avait été arrachée à sa famille il y a vingt millions d’années , au continent, aux Alpes, à l’Estérel, pour dériver en Méditerranée.

J’ai lu

Quatrième de couverture:

« La toile vibrait de beauté. Elle en avait le souffle coupé et se noyait dans l’oeil bleu ciel piqueté de vert. Est-ce qu’elle était réellement le sosie de cette inconnue ? »

Peint à Vienne en 1910, le tableau de Gustav Klimt Portrait d’une dame est acheté par un collectionneur anonyme en 1916, retouché par le maître un an plus tard, puis volé en 1997, avant de réapparaître en 2019 dans les jardins d’un musée d’art moderne en Italie.

Aucun expert en art, aucun conservateur de musée, aucun enquêteur de police ne sait qui était la jeune femme représentée sur le tableau, ni quels mystères entourent l’histoire mouvementée de son portrait.

Des rues de Vienne en 1900 au Texas des années 1980, du Manhattan de la Grande Dépression à l’Italie contemporaine, Camille de Peretti imagine la destinée de cette jeune femme, ainsi que celles de ses descendants.

Une fresque magistrale où se mêlent secrets de familles, succès éclatants, amours contrariées, disparitions et drames retentissants.

Un livre fascinant qui vous fait voyager de la Vienne du début du XXème siècle au New York de la fin du siècle . L’Histoire est omniprésente dans le parcours d’Isidore et de Pearl , les principaux acteurs de cette saga familiale. Mais il va falloir jongler avec les différentes pièces du puzzle pour lever tous les secrets. La plume poétique de l’auteure nous permet de nous intéresser d’emblée à tous les personnages de l’intrigue qui nous accompagnent tout au long du récit. Attachants, complexes, ils évoluent dans des époques différentes. En même temps nous nous questionnons sur l’artiste et son modèle, l’œuvre et son propriétaire. Le travail de recherches et d’enquête de Camille de Peretti est impressionnant, tout est vrai dans la destinée de ce portrait, de son vol à la restitution mais c’est vraiment la fiction qui nous transporte, le style fluide de l’auteure nous tient en haleine du début à la fin.

extraits :

« La vérité et le mensonge sont comme l’eau et l’huile, on imagine pouvoir les mélanger, mais l’huile finit toujours par remonter à la surface. Un bon mensonge agirait comme le vinaigre blanc, il aurait changer le goût de l’eau sans en changer la couleur. »

« Le malheur force celui qu’il frappe à inventer un lieu où se réfugier, à se composer une autre vérité, plus belle, plus flamboyante. Ils ne peuvent pas développer leur imagination, ceux qui sont satisfaits de leur vie, ceux à qui la réalité suffit. »

« Toutes les fois où il avait voulu s’accrocher à ses remembrances, où il avait fait l’effort de les ranimer pour s’y blottir et s’y frotter, l’invocation avait invariablement et presque instantanément été suivie de la perte, du vide. Un souvenir ne peut se vivre qu’au présent et ce présent surgissant lui griffait les yeux. Isidore avait fini par se défier de sa mémoire, il n’était même plus certain d’avoir senti le chocolat chaud lui couler dans la gorge. Cet air plus léger, c’était justement celui qui flottait au-dessus de sa tasse, il le comprenait maintenant. Il força ses narines à respirer plus fort, il eut l’impression folle qu’il échappait au temps. Ni dans le passé, ni dans le présent, ni même dans la projection d’un avenir proche, il restait comme suspendu, confiant dans sa joie. »

J’ai lu

Quatrième de couverture :

« À force de vouloir m’abriter en toi, j’ai perdu de vue que c’était toi, l’orage. Que c’est de toi que j’aurais dû vouloir m’abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages ? Et tout ça n’est pas triste, mi amor, parce que rien n’est noir, absolument rien. »
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d’inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème. Elle aime les manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment, et les fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint.
Frida aime par-dessus tout Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.

Un excellent roman qui nous plonge dans la vie de de Diego et Frida ce couple d’artistes peintres, mythique et tumultueux, qui ne laisse personne indifférent. Claire Berest se met dans la peau de Frida pour nous offrir une biographie romancée passionnante. Elle retrace en couleurs leur parcours de Mexico à Détroit en passant par San Francisco et Paris, leurs rencontres intellectuelles, artistiques et politiques sans oublier les soirées mondaines. Elle nous montre combien cette passion est dévorante, leur relation faite de ruptures et de réconciliations. Au bout de quelques pages on a vraiment l’impression de connaitre Frida, on l’accompagne, on compatit à ses souffrances tant physiques que morales. Un vrai coup de coeur pour ce roman.

extraits

« Il y a des blessures qui te changent pour toujours. Est-ce que j’ai envie d’être changée ? Non, je n’en ai pas envie. Qu’est-ce que je peux y faire ? Je me dis que ces blessures là, tu les incorpores, tu les dissous en toi, comme si tu les mélangeais à tes os. Et alors tu parviens à rester un peu la même. »

« Elle ne peint pas pour être aimée. Elle est transparente, c’est-à-dire qu’elle ouvre grand la fenêtre vers l’intérieur. »

« Qu’est-ce que tu veux ? Je ne suis pas toi, Diego, j’ai essayé, mais je ne suis pas toi. Je n’ai pas envie d’être célèbre. Je me fous de l’arène, je me fous de ces pince-fesses de bourgeois, je ne suis pas en train de forger une carrière. Moi, je ne me bats pas, Diego ? Je passe la moitié de ma vie à l’hôpital à me faire charcuter comme si j’étais un bout de viande sur l’étal d’un boucher ! Je ne suis pas malade, je suis brisée ! »

« Tu ne remarques pas qu’on décide un jour la couleur dominante d’une personne et qu’après on ne se remet plus en question ou alors très difficilement? »

« Le grand peintre gavé d’honneurs n’aime rien tant que sa femme lui vole la vedette, par ses coups d’état lunatiques, ses tenues extraordinaires, son vocabulaire de charretier, son humour décapant et surtout son talent inouï à dire en images le déchirement de l’intime et le sacerdoce de vivre, c’est à dire de ne pas mourir. »

J’ai lu

Quatrième de couverture :

À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit :  » Ne laisse jamais de traces de ton passage  » Il obéit toujours à sa mère, sauf cette nuit là .

Cécile Coulon nous plonge dans la noirceur du coeur de l’homme, tout en faisant chanter cette poésie qui lui est propre. Un texte puissant, fort en émotions qu’il soulève, tutoyant le fantastique d’un conte cruel. 130 pages à lire d’une traite, frissons garantis .

Extraits

« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements : leurs mains caressent et déchirent, rendent la peau si douce qu’on y plonge facilement des lances et des épées. Rien ne les effraie sinon leur propre mort, leurs doigts sont plus courts que ceux des grands singes, leurs ongles moins tranchants que ceux des petits chiens, pourtant ils avilissent bêtes et prairies, ils prennent les rivières, les arbres et les ruines du vieux monde. Ils prennent, oui, avec une avidité de nouveau-né et une violence de dieu malade, ils posent les yeux sur un carré d’ombre et, par ce regard, l’ombre leur appartient et le soleil leur doit sa lumière et sa chaleur. Ils se nourrissent des légendes qui font la terre ronde et trouée, le ciel bleu et fauve, ils construisent des villes géantes pour des vies minuscules et la haine de cette petitesse les pousse à toutes les grandeurs. En amour, ils ne comprennent rien aux secousses du cœur et du sexe, ils tentent de les apaiser, leurs forces sont fragiles, leurs corps mal préparés aux tempêtes des sentiments. Ils ont trouvé un langage pour tout dire ; avec ce trésor, ils s’épuisent à convaincre qu’ils sont les chefs, les puissants, les vainqueurs. »

« Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées. Ils devinent en silence les grands tremblements du corps, les affaissements soudains du sang, ils possèdent le don, la force. Ils se mêlent aux autres et les soignent, les apaisent, ils ressemblent à des hommes et des femmes mais ils portent en eux des décennies de douleur et de joie, ils connaissent le feu, ils l’ont en eux, ils maîtrisent les flammes. Comme des chiens de berger autour d’un troupeau affolé par l’orage, ces gens-là s’approchent d’un corps et immédiatement le corps parle avec eux, s’exprime, ils entendent, écoutent, répondent, ils guérissent, dans un fond de ferme, près d’un lit sale, à côté d’un berceau cassé, ils guérissent, voilà, on les appelle pour cela, mais c’est bien autre chose que nous ne comprenons pas. Ils ont appris, très tôt, la langue des choses cachées. »

« Qu’importe qu’ils passent sur cette terre plus vite qu’un arbre, une maison, une tortue ou un rivage, ils sont si beaux, avec leurs yeux pleins d’amour et leurs mains pleines de sang, ils sont si beaux, avec leurs corps comme des brindilles, ils se tiennent droit, ils imitent les falaises, ils se croient montagnes ou sommets, ils sont si beaux dans leur soif capable de tarir les sources les plus anciennes, ils sont si beaux dans la timidité du premier baiser, cela ne dure qu’une seconde mais après ils ne seront plus jamais grands. Oui, c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent.
Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées. »

J’ai lu

quatrième de couverture

Juin2010 : Esteban 10 ans disparait sur la plage de Saint Jean de Luz , personne n’a rien vu .

Juin 2020 : sa mère Maddi a refait sa vie,mais la douleur et l’incompréhension sont toujours là. Elle revient en pèlerinage au Pays Basque et sur la même plage reconnait Esteban. Ou son jumeau parfait, Tom, un enfant de dix ans. Maddi quitte tout pour découvrir l’identité de ce garçon et s’installe dans son village, à Mural, en Auvergne. Elle, si rationnelle , peut elle croire à l’impossible? Esteban serait il devenu Tom ? L’histoire se répéterait elle ? Tom est il en danger ? Maddi est elle la seule à pouvoir le protéger ? Maddi par amour pour un enfant ira jusqu’au bout de sa quête .


Une intrigue magistrale, un suspens qui vous happe de bout en bout. Michel Bussi sait nous faire douter en nous plongeant alternativement dans l’ irrationnel et le rationnel . Encore une fois l’auteur a su nous berner de façon magistrale en semant à bon escient des indices qui nous entrainent sur de fausses pistes. Un bonheur aussi de retrouver avec ses personnages, qu’il dessine avec soin, les merveilleux paysages d’Auvergne. Un livre que j’ai vraiment lu d’une traite .

Extraits

« On ne tombe pas du ciel quand on vient sur terre, on n’est pas déposé par une cigogne. On est attendu, on est accueilli, et dès qu’on ouvre les yeux, on a besoin de milliers de repères pour nous guider. Une voix, une odeur, une couverture chaude, un biberon tiède apporté par une infirmière, une première brassière que maman a offerte, cette brassière que quelqu’un lui a vendu, que quelqu’un a cousue, et ainsi de chacun de nos objets familiers, les peluches et les hochets avec lesquels on jouera, les musiques que l’on entendra, chaque détail de la chambre où on dormira, les histoires qu’on écoutera, l’inconnu dans la rue qui nous sourira. Nous ne serons jamais que le résultat des milliers de traces que l’on croisera, de milliers de petits cailloux blancs que d’autres ont laissés sur notre chemin. Tout le monde laisse des cailloux blancs quand il passe sur terre. Tout le monde. »

« Un ami imaginaire ne peut pas vous dire : « Je vais te faire une surprise ! » Un ami imaginaire ne vient pas vous réveiller pour votre anniversaire, il ne vous offre pas de cadeau, il ne vient pas vous délivrer… Un ami imaginaire aide juste à accepter les chagrins, quand vous êtes tout seul pour pleurer. Il aide juste à accepter les cauchemars, quand le réveil ne suffit plus à les chasser. Un ami imaginaire aide juste à accepter de mourir, quand il n’y a plus rien d’autre à espérer. »

– tu ne sais pas ce que tu perd ! Dans les surprises de la vie, ce qu’il y a de plus beau, c’est le papier cadeau.

« Savine est déjà aussi rouge que la marmite de cuivre. Celui qui la croiserait, vivrait quelques heures avec elle, ou partagerait avec Savine un boulot superficiel, ne verrait sûrement en elle que la brave fille dynamique, le bon sens rural, bras grands ouverts, jambes infatigables et cœur cratère. La version féminine de l’Auvergnat de Brassens et de ses quatre bouts de bois. Bien sûr, Savine est tout ça… mais elle n’est pas que ça ! Je devine aussi en elle une subtilité, une acuité, et même une féminité. Quelque chose d’indicible qui la rend exceptionnelle. Une héroïne de l’ombre, à qui aucune statue, aucun roman, aucun amoureux peut-être, ne rendra jamais le juste hommage qu’elle mérite. »

Quatrième de couverture

Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains.
Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d’une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l’ombre d’un palais génois. Mais elle a trop d’ambition pour se résigner à la place qu’on lui assigne.
Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l’autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l’Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s’il doit perdre Viola ?
Un roman plein de fougue et d’éclats, habité par la grâce et la beauté.

Un conteur exceptionnel que je découvre . Un roman qui fait passer du rire aux larmes en nous époustouflant et en nous bouleversant . Une écriture pudique , sensible, poétique que j’ai beaucoup aimée. Un livre que je vous conseille aussi.

extraits

« Sculpter, c’est très simple. C’est juste enlever des couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l’histoire qu’on ne peut plus réduire sans l’endommager. Et c’est là qu’il faut arrêter de frapper ».

 » Mais je n’étais pas malheureux, je le constatais chaque soir, quand je priais un panthéon personnel d’idoles qui changèrent tout au long de ma vie et inclurent même, plus tard, des chanteurs d’opéra et des joueurs de football. Peut-être parce que j’étais jeune, mes jours étaient beaux. Je ne mesure qu’aujourd’hui ce que la beauté du jour doit à la prescience de la nuit. »

 »  Pourquoi m’as-tu abandonné ?
[…]
– La vie est une succession de choix que l’on referait différemment s’il nous était donné de tout recommencer, Mimo. Si tu es parvenu à faire les bons choix du premier coup, sans jamais te tromper, alors tu es un dieu. Et malgré tout l’amour que je te porte, malgré le fait que tu sois mon fils, même moi, je ne crois pas avoir donné naissance à un dieu. »

« Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres. »

 » J’avais eu le malheur de dire « il y a du vent ». Viola m’avait donné un coup dans l’épaule, exaspérée.
-Les mots ont un sens, Mimo. Nommer, c’est comprendre. « Il y a du vent », ça ne veut rien dire. Est-ce un vent qui tue ? Un vent qui ensemence ? Un vent qui gèle les plants sur pied ou les réchauffe ? Et quel genre de députée ferais-je si les mots n’avaient pas de sens ? Je ne serais pas différente des autres.
-C’est bon, c’est bon, j’ai compris.
-Répète alors.
-Tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral. »

J’ai lu

Quatrième de couverture

Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.

Une leçon de vie teintée d’ombre et de lumière dans ce roman tres prenant qui nous expose les raisonnements de Sarah et de Fred auquel l’auteur donne la parole alternativement. L’auteur joue magnifiquement avec la tension qui s’installe progressivement au fil des pages. La survie dans un monde hostile et la question de la génération future y sont traitées avec beaucoup de sensibilité.  La poésie est omniprésente même si elle côtoie le désespoir.

Vous pouvez lire aussi la critique de Black Novel ici

Extraits :

« Il faudrait dire le silence. Longtemps. Le silence qui éprend la crénelure des arbres. La fine dentelle de ceux ci , bien détachée du ciel lavé, qui n’attend que le printemps pour s’enrichir et foisonner. Dans trois semaines ces arbres seront magnifiques, débourrés d’un vert déjà strident ou encore tendre. Partout le renouveau. partout un motif d’espoir . Pas ici. »

« Notre amour n’a plus rien des premières années. Toute sa surface est lessivée, salement lessivée. Et rien dans les jours qui s’abattent ne ramène la moindre légèreté qui pourrait faire notre bonheur. On s’aime encore, d’un amour assommé. Vitrifié. Deux grands brûlés. Qui partagent la même chambre. »

« Notre pacte de Faust, comme me l’a dit un jour Lorna, la quasi-certitude de finir nos jours plus tôt que la moyenne (quasi, car il y en a pour continuer à croire en leur bonne étoile) contre des vacances perpétuelles. Et, contre l’absence totale de sécurité et le devoir de se protéger en permanence, ce temps libre qu’on scinde à l’envi, dans des kyrielles d’heures essentielles. Étrange sentiment. On ne se rue pas sur ce temps, on ne le brûle pas, alors qu’on le pourrait, on respecte la vie, sans exagération, en s’offrant seulement des parenthèses comme aujourd’hui. »

J’ai lu

Entre 1933 et 1949, des salles de bal de Buffalo aux chambres du Parlement anglais, de la bataille de Normandie au terrible Blitz, L’Hiver du monde entraîne le lecteur dans le tourbillon de la Seconde Guerre mondiale.
Dans La Chute des géants, cinq familles – américaine, russe, allemande, anglaise et galloise – se sont croisées, aimées et déchirées au rythme de la Première Guerre mondiale et de la Révolution russe. À l’aube des grands bouleversements politiques, sociaux et économiques de la seconde moitié du XXe siècle, ce sont désormais leurs enfants qui ont rendez-vous avec l’Histoire.
Pouvant se lire indépendamment du premier tome, L’Hiver du monde raconte la vie de ces êtres au destin enchevêtré pour qui l’accession au pouvoir du IIIe Reich et les grands drames de la Seconde Guerre Mondiale changeront le cours de leur vie pour le meilleur comme pour le pire.
Carla von Ulrich, née à Berlin d’un père allemand et d’une mère anglaise, va subir de plein fouet les affres du nazisme jusqu’à ce que, décidée à reprendre sa vie en main, elle entre en résistance… Les frères américains Woody et Chuck Dewar, chacun portant un lourd secret, empruntent deux voies différentes au moment de l’entrée en guerre des États-Unis, l’un s’engageant dans la politique à Washington, l’autre combattant dans la jungle des îles du Pacifique… Lloyd Williams, brillant étudiant et très engagé politiquement, à l’instar de ses parents, se porte volontaire pour combattre les fascistes durant la guerre civile espagnole, au prix de certains de ses idéaux… Daisy Peshkov, belle et ambitieuse jeune fille, s’éprend du mauvais garçon, le suffisant et lâche Boy Fitzherbert, avant de prendre conscience que le véritable amour n’est ni intéressé ni prévisible… Quant à Volodya, le cousin de Daisy, espion pour les renseignements russes, il va peu à peu remettre en question les agissements de son gouvernement au point que ses actes affecteront non seulement cette guerre, mais également la Guerre froide à venir.

Un récit passionnant de cette période où la politique , l’espionnage, les amours contrariées , les faits historiques prennent toute leur place dans la vie de ces différents personnages. On est aux premières loges des grands épisodes de l’histoire avec eux comme l’incendie du Reichtag, l’extermination des malades mentaux, l’attaque de Pearl Harbor, le débarquement en Normandie.

Un seul bémol le poids du livre ( 1000 pages) quand vous le tenez dans une main.

Extraits

« La propagande Russe était plus virulente que tout ce qu’il avait pu voir jusque là. « Si tu n’as pas tué au moins un allemand par jour, tu as perdu ta journée, lut- il. Si tu attends que la bataille commence, tue un Allemand pour tuer le temps.Si tu tues un Allemand ,tues – en un autre- rien ne nous amuse autant qu’un monceau de cadavres allemands- Tue les Allemands- c’est la prière de ta vieille mére. Tue les Allemands- c’est la supplique de tes enfants Tue les Allemands- c’est le cri de la terre Russe. N’hésite pas. Ne recule pas. Tue. »Cela donnait un peu la nausée, se dit Volodia. Mais certains sous- entendus étaient encore pires. Le rédacteur se montrait indulgent avec les pillards: »Les manteaux de fourrure et les cuillers que vous volez aux allemandes, elles les ont volés à d’autres ». Et le viol faisait l’objet d’une plaisanterie de mauvais goût : « Un soldat soviétique ne refuse jamais les avances d’une femme allemande….. »

 » La voix de Maud se chargea d’émotion. « Mon mari a voué son existence, son être tout entier, à faire de l’Allemagne un pays libre et prospère. Je ne veux pas être celle qui l’obligera à renoncer à l’œuvre de sa vie. S’il perd cela, il perd son âme. »

Ethel enfonça alors le clou comme seule une vieille amie pouvait se le permettre. « Et vos enfants ? Vous n’avez pas envie de les savoir en sécurité «
– Envie ? Ce n’est pas une envie, Ethel, c’est un désir déchirant, torturant ! » Elle fondit en larmes. « Carla fait des cauchemars à propos de Chemises brunes et Erik ne manque pas une occasion d’enfiler cet uniforme couleur de merde. » Sa véhémence laissa Lloyd pantois. Il n’avait jamais entendu une dame respectable dire « merde ». 

Quatrième de couverture:

Quatre adolescentes de seize ans liées par un pacte d’amitié éternelle tiennet le journal de leur impatience, de leurs désirs, de leurs conquêtes, et de leurs rêves. Comment éviter les désastres affectifs dont les parents donnent l’image quotidienne dans leur couple ? Hier encore des enfants, les voilà prises au piège de cette émotion bouleversante, l’amour, prêtes à entrer dans ce domaine mystérieux, cette folie qui peut les transformer en monstres.

Tandis qu’au lycée on s’apprête à jouer Roméo et Juliette, imprévisible et fatal, un drame se prépare..

 » Si tu ne m’aimes plus, c’est que tu ne m’as jamais aimé « 

Une incursion dans le monde des adolescentes sous forme de correspondances épistolaires que j’ai appréciée et un final dramatique vraiment en phase avec la pièce de Shakespeare.

extraits:

« on croit se connaître alors qu’on discerne juste une silhouette au loin. S’approcher s’avère périlleux. Notre apparence et notre histoire antérieure constituent un paravent derrière se cache l’inconnu. J’espérais qu’en mûrissant je deviendrais moi-même. Mais si je devenais une autre ? »

« On ne choisit pas en amour, on est choisi par l’amour. La passion fond sur Juliette et Roméo comme un virus contamine une population. Venue de l’extérieur, elle les infiltre, elle creuse son lit, prospère, se développe. Ils la subissent, cette passion, ils se tordent de fièvre, ils délirent, ils laissent toute la place à ce fléau, au point d’en mourir. »

 » Réduit-on une personne à ses erreurs ? La cloue-t-on à un seul de ses actes ? Nul n’est que bon au mauvais. Pardonner revient à prendre conscience qu’un destin s’improvise constamment, qu’on ne le figera pas dans le passé, encore moins dans un instant unique. Demain n’est pas hier. »

Quatrième de couverture :

Nour a 20 ans. Elle décide de quitter son pays, sa famille, ses amis, pour rejoindre en Irak l’homme qu’elle a épousé, un lieutenant de Daesh.
Une décision à laquelle ne peut se résoudre son père, brillant universitaire, musulman pratiquant et épris de la philosophie des Lumières.
Nour et son père s’écriront, pour ne pas rompre le lien précieux qui les unit.
Au-delà de l’incompréhension, cette correspondance porte un message d’espoir, celui de la réconciliation des générations futures. Au-delà des croyances, elle révèle que seule la vie est sacrée.

Un dialogue qui ne vous laissera pas indifférents. Tout au long de ces échanges, le lien entre le père et la fille est mis à rude épreuve tant l’endoctrinement de Nour est fort. Seul l’amour qui les unit permet au dialogue de continuer . Un livre bouleversant d’une intensité rare que je recommande .

Extraits:

« Passer par l’intime, passer par les émotions qui nous sont communes, c’est construire un espace et une rhétorique du sensible en les mettant au service du sens . Le dialogue entre ce père et Nour sa fille est comme un temps suspendu où les idées se combattent tandis que les cœurs se rejoignent un peu plus, une parenthèse qui pose les fardeaux sans annihiler l’amour « 

« Si nous voulons dépasser tout cela, il nous faut créer des ponts et pas des murs. On ne se sécurise pas dans une forteresse : on y meurt assiégé. « 

« Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes. »

« Écrire est souvent le meilleur moyen de résister à l’incompréhension, de combler l’absence de dialogue et de repousser les limites d’une réalité qui nous impose ses règles. »

J’ai lu

Quatrième de couverture

Poursuivant sa traversée de l’histoire humaine, Noam s’éveille d’un long sommeil sur les rives du Nil, en 1650 av. J.-C. et se lance à la découverte de Memphis, capitale des deux royaumes d’Égypte. Les temps ont bien changé. Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais de Pharaon se dévoile à lui une civilisation inouïe qui se transmet sur des rouleaux de papyrus, qui vénère le Nil, fleuve nourricier, momifie les morts, invente l’au-delà, érige des temples et des pyramides pour accéder à l’éternité. Mais Noam, le cœur plein de rage, a une unique idée en tête : en découdre avec son ennemi pour connaître enfin l’immortalité heureuse auprès de Noura, son aimée.
Avec le troisième tome du cycle de ‘La Traversée des Temps’, Éric-Emmanuel Schmitt nous embarque en Égypte ancienne, une civilisation qui prospéra pendant plus de trois mille ans. Fertile en surprises, ‘Soleil sombre’ restitue ce monde en pleine effervescence dont notre modernité a conservé des traces, mais qui reste dans l’Histoire des hommes une parenthèse aussi sublime qu’énigmatique.

Après la période du néolithique puis la Mésopotamie, E E Schmitt nous entraine avec Noam à Memphis capitale égyptienne au temps des pharaons. Hormis les aventures, l’amour, l’amitié qui jalonnent le parcours de Noam , on retrouve aussi dans ce tome des réflexions sur le vieillissement, sur la médecine, le pouvoir, sur le syndrome pyramidal qui laisse toujours les mêmes en bas de l’échelle. J’ai parcouru avec beaucoup de plaisir toute cette époque et les quelques 576 pages du livres. Comme pour les deux autres tomes j’ai encore beaucoup appris sur cette période de l’humanité. Bref, vous l’aurez compris j’ai vraiment aimé.

Extraits

« Par fractions et allusions, je découvris qu’Osiris avait rapporté aux humains l’espoir d’une vie après la mort. En ressuscitant, il avait dévoilé une nouvelle dimension de l’existence : la mort n’était pas une fin ; une vie ne se terminait pas au trépas, elle changeait de forme ; lorsqu’un individu s’éteignait, il bouclait un cycle avant d’en commencer un autre. »

« L’Égypte était un oxymore. Elle mêlait constamment ce que l’on allait ensuite estimer contradictoire. Elle n’excluait pas, elle joignait. Naissance et trépas se complétaient puisque Rê, le soleil, périssait chaque soir à l’occident pour renaître chaque matin à l’orient. Vie et mort concordaient puisque le vivant se préparait à la mort tandis que le défunt prolongeait l’existence du vivant. Fini et infini voisinaient puisqu’on occupait un monde fermé, groupé autour du Nil, mais bordé de déserts interminables. Villes et campagnes, loin de s’opposer, se rangeaient sous la protection unique du fleuve. Animal et homme ne se boudaient pas, mais s’unissaient dans les effigies – corps de lion avec face d’homme, corps d’homme avec face de chacal. Féminin et masculin se fondaient dans certains individus, et d’abord dans le Nil, nourricier comme une femelle, vaillant comme un mâle. Matière et esprit s’associaient dans les temples de pierre, les idoles de granit, les sphinx couchés sur le sable. Même le bien et le mal ne se rejetaient pas, car il fallait la tension des deux, Seth le destructeur se révélant indispensable à Osiris le bon. La lumière appelait l’ombre, le désert, l’oasis. Ce vaste pays coulait ses jours à la lueur d’un paradoxe, sous un soleil sombre qui de ses feux éclairait le mystère. »

Quatrième de couverture

À 50 ans, Bernard est persuadé que sa bonne petite vie tranquille se déroulera ainsi jusqu’à la fin de ses jours.C’est sans compter sa femme, qui décide d’un coup de divorcer, et la crise, qui lui fait perdre son emploi. Sans logement, sans argent, incapable d’avouer son chômage à sa famille, il n’a d’autre alternative que de retourner vivre dans sa chambre d’adolescent, chez ses parents. Ceux-ci ne semblent pas réjouis de recueillir leur unique rejeton, qui trouble leur vieillesse paisible. Jusqu’à ce que Bernard rencontre la fille d’un quincaillier, aussi perdue que lui…
Comment trouver sa place dans un monde en crise, quand on n’est ni très jeune, ni très beau, quand, finalement, on ne désire que le bonheur ? Un destin d’aujourd’hui, une histoire drôle et mélancolique.

D’emblée cet homme nommé Bernard a la sympathie du lecteur , on ne peut que montrer de la compassion pour un être soumis à un véritable maelstrom intérieur et extérieur. Les thèmes abordés dans ce livre sont nombreux :la lassitude , l’érosion du couple, l’amour et le désamour, l’adultère, la séparation, la solitude, les relations parents / enfants, le fossé générationnel, la perte de son emploi , le parcours du combattant pour en décrocher un autre à 50 ans . Mais la façon dont l’auteur aborde le tout est vraiment comique et vous ne regretterez pas de vous laisser aller à rire grâce à l’autodérision de Bernard et au talent de l’auteur. Un roman ancré dans la réalité , truffé de situations cocasses et de dialogues savoureux que l’on dévore .

Extraits

« Des chiffres et des lettres possédait le mérite de nous réveiller en douceur. C’était comme un préliminaire à l’orgasme que serait Questions pour un champion. »

« Elle avait cinquante ans et des poussières. J’emploie cette expression car il me semblait justement voir les poussières sur son visage. C’était comme des ombres se promenant sur son enthousiasme factice. »

« Les parents parlaient de sujets et d’autre : on se donnait des nouvelles des voisins et de la famille : on s’apitoyait sur le sort d’Untel ou Untel atteint d’un cancer de la prostate ou de la maladie d’Alzheimer ; on évoquait les morts ; et on regrettait bien sûr l’insécurité dans nos villes, et le fait qu’il fasse trop froid en hiver et trop chaud en été. Un festival de réjouissances à vous donner envie de vous suicider aux cacahuètes. »

Quatrième de couverture

Dans le Morbihan, jeu de la vérité et de la trahison entre résistants et Gestapo. Fin 1942. La liaison de Roland Le Mezec, patron pêcheur à Quiberon, et de Soizic Vaillant, la gérante du Goéland, un café restaurant du port, attire sur lui les foudres de l’épicier, Simon Leridan, qui courtise la jeune femme depuis toujours et participe avec elle à un réseau de résistance.

Roman émouvant , à l’atmosphère oppressante dans une étroite communauté du Morbihan où tout le monde connaît et soupçonne tout le monde. L’intrigue se développe autour du port de Quiberon, à Carnac dans l’église Saint Cornely où officie un recteur-curé philosophe et dans le château d’un vieil aristocrate du coin, réquisitionné pour le major et sa maîtresse. À Rennes ou à Paris, Roland a ses entrées dans les bureaux, auprès de personnages surprenants, vrais et faux collabos compris ou traitres et héros cachés dont les caractères se révèleront dans l’adversité. Haine et amour se côtoient dans ce roman , les apparences sont trompeuses , même le lecteur peut être emmené à se tromper sur la personnalité des personnages.

Quatrième de couverture

« La photo en noir et blanc d’une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l’autre laissée dans le dos.
Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d’Ambre solaire, d’échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Les cuisses plus claires, ainsi que le haut des bras, dessinent la forme d’une robe et indiquent le caractère exceptionnel, pour cette enfant, d’un séjour ou d’une sortie à la mer. La plage est déserte. Au dos : août 1949, Sotte ville-sur-Mer ».
Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l’après-guerre à aujourd’hui. En même temps, elle inscrit l’existence dans une forme nouvelle d’autobiographie, impersonnelle et collective.

Un roman à la fois personnel et universel qui ne peut que toucher le lecteur . Les transformations du monde pour l’auteure sont aussi palpables au travers de notre propre vécu . L’humeur et l’état d’esprit des années traversées y sont remarquablement décrits. Les faits marquants de ces décennies , les changements opérés dans la société ont marqué de leur empreinte notre vie , en s’adressant à nous de cette façon Annie Ernaux peint un tableau vraiment fidèle et vivant. C’est aussi une tres juste réflexion sur le temps qui passe et qui emporte tout, qui pose la question de ce qui restera de nous après notre passage sur cette planète.

Extraits

« Et les jeunes arrivaient, de plus en plus nombreux. Les maîtres d’école manquaient, il suffisait d’avoir dix-huit ans et le bas pour être envoyé dans un cours préparatoire faire lire Rémi et Colette. On nous fournissait de quoi nous amuser, le hula hoop, Salut les copains, Age tendre et tête de bois, on n’avait le droit de rien, ni voter ni faire l’amour ni même donner son avis. Pour avoir le droit à la parole, il fallait d’abord faire ses preuves d’intégration au modèle social dominant, « entrer » dans l’enseignement, à la Poste ou à la SNCF, chez Michelin, Gillette, dans les assurances : « gagner sa vie. L’avenir n’était qu’une somme d’expériences à reconduire, service militaire de vingt-quatre mois, travail, mariage, enfants. On attendait de nous l’acceptation naturelle de la transmission. Devant ce futur assigné, on avait confusément envie de rester jeunes longtemps. « 

« Le sexe était le grand soupçon de la société qui en voyait les signes partout,, dans les décolletés, les jupes étroites, le vernis à ongles rouge, les sous-vêtements noirs, le bikini, la mixité, l’obscurité des salles de cinéma, les toilettes publiques, les muscles de Tarzan, les femmes qui fument et croisent les jambes, le geste de se toucher les cheveux en classe, etc. Il était le premier critère d’évaluation des filles, les départageaient en  » comme il faut » et  » mauvais genre ».

« Au souper, il fallait nous arracher les mots de la bouche, on laissait de la nourriture, s’attirant le reproche « si tu avais eu faim pendant la guerre tu serais moins difficile ». Aux désirs qui nous agitaient était opposée la sagesse des limites, « tu demandes trop à la vie ».

Quatrième de couverture

Au collège de Clerval, près de Tours, Eric Capadis, jeune professeur d’histoire-géographie, vient de se suicider en se jetant par la fenêtre de sa classe. Lorsque Pierre Hoffman, son remplaçant, prend contact avec ses nouveaux élèves, il décèle chez eux des comportements étranges. Soudés, anormalement disciplinés, ces adolescents forment un bloc impénétrable. Surtout, ils dégagent une hostilité diffuse, une violence sourde dont le narrateur sent qu’elle peut devenir extrême. Mais le collège tout entier semble conspirer pour banaliser la situation.

Un roman qui vous prend aux tripes tant l’atmosphère est oppressante . Ces adolescents et leur comportement plus que dérangeants sont des manipulateurs extrêmement efficaces. Heureusement je n’ai pas lu la première quatrième de couverture qui révèle la clé de l’intrigue, ce qui m’a permis d’en apprécier toute l’efficacité .

Extraits

« On dit souvent que le culte des objets s’enracine dès l’enfance et qu’ils enchâssent les périodes marquantes de l’existence, comme une sorte de métaphore personnelle. Un jour, il faudrait que quelqu’un retrace l’importance anthropologique des airs musicaux et la place qu’ils occupent dans les biographies familiales. Récemment, j’ai entendu parler par hasard du joueur de pipeau de « Bonne nuit les petits ». Il s’appelle Antoine Berge et a soixante et onze ans. Il avait demandé sur le tard 150 000 francs de droits d’auteur au tribunal de grande instance de Paris. Il ne lui avait finalement été accordé que 632,50 francs. »

« Je me souvenais de lui comme de quelqu’un de jeune avec des pattes-d’oie, un mental grisonnant, des rides et une peau qui semblait avoir essuyé tous les coups de vent d’une existence vécue sans discernement. Ayant dix ans de plus que moi, il appartenait à cette génération qui, la première, avait tourné la bonté et la gentillesse en dérision, et dont l’heure de gloire se situait au milieu des années quatre-vingt. »

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J’ai lu

La jeune Martha Laborne s’est évaporée à Acapulco. Mauvaise nouvelle pour le Quai d’Orsay : c’est la fille d’un homme politique français. La « Perle du Pacifique » était dans les années soixante le paradis des stars hollywoodiennes. Hélas, la ville aujourd’hui est livrée aux pires cartels mexicains de la drogue.Aurel Timescu, notre calamiteux Consul, est envoyé sur place.Comme à son habitude, il est fermement décidé à ne rien faire. Son hôtel, le Los Flamingos, est hanté par les fantômes de Tarzan, d’Ava Gardner ou de Frank Sinatra. En suivant ces héros qui l’ont tant fait rêver dans son enfance, il va subir une complète métamorphose.Un Aurel hédoniste, dandy et buveur de tequila se révèle. C’est bien malgré lui qu’il va se retrouver exposé à des intrigues meurtrières, à des dangers inconnus et au plus redoutable d’entre eux : la passion pour une femme exceptionnelle.

L’auteur ne livre pas vraiment une enquête policière, plutôt une galerie de portraits – caricatures, dans un environnement cependant bien réel. Acapulco a décliné au fil du temps de point de ralliement des vedettes hollywoodiennes en zone de guerre entre narco-trafiquants. Tous les problèmes du Mexique y sont présents : la corruption, les narcos , les flics qu’il vaut mieux éviter , la violence, les assassinats Même si JC Ruffin s’est amusé à écrire ce cinquième tome, il a puisé dans sa carrière de diplomate pour camper ses personnages qui existent réellement.

Un livre que j’ai vraiment apprécié drôle , plein d’ humour, d’ imagination, riche en connaissance du monde diplomatique , et superbement écrit.

Extraits :

— Nous avons ce qu’il vous faut, monsieur Timescu. Puisque apparemment vous vous prenez pour James Bond.
Personne n’avait moins l’air de James Bond que le petit homme dégarni, transpirant dans son costume de tweed et son gros manteau d’hiver à six boutons, fermé jusqu’au col. Covid oblige, il portait un masque chirurgical d’un rose pâle. Il l’avait posé de travers, si bien qu’on aurait cru qu’il était bâillonné avec du papier hygiénique.

« Acapulco était un monstre, un fantôme. La ville conservait une apparence de grâce, de volupté, de beauté, comme une revenante qui aurait pris, pour tromper les humains, l’enveloppe de chair du temps où elle était de ce monde. Mais à l’intérieur, il y avait le vide et la mort. »

« Il ne lui serra pas la main car c’était un homme qui pratiquait les gestes barrières depuis la naissance. »

Danny, 10 ans, est mort dans un effroyable accident. Et Tina, sa mère, n’a jamais pu identifier son corps. Un an plus tard, des signes prouvent pourtant à Tina que son fils est toujours en vie. Dès lors, elle n’a qu’une obsession : le retrouver et découvrir la vérité. Mais elle dérange et les services secrets tentent de l’assassiner. Qu’ont-ils à cacher ? Et si Danny était celui par qui la fin de l’humanité pouvait arriver ?

Un bon thriller flirtant avec le fantastique et à la fin prémonitoire d’un certain vécu récent.

Extraits

« La nuit enveloppe de son silence la maison des Evans, un silence troublé seulement par le bruissement des feuillages qu’agite le vent sec venu du désert. Un matou blanc du voisinage se glisse sur la pelouse et joue avec un bout de papier qui voltige et se pose devant lui tout à coup comme pour le narguer ; le chat bondit, avance la patte, manque son coup car son jouet capricieux est reparti, et, déçu, il file sous les buissons à la recherche d’une autre proie plus facile à saisir. »

« C’est là que le paradoxe lui sauta à la figure comme un diable qui sort d’une boîte : d’un côté elle se comportait comme si elle ignorait la vérité, de l’autre elle cherchait à l’obtenir par l’intermédiaire de Stryker que l’on rouvrît la tombe de son fils, ce qui semblait indiquer qu’elle savait quelque chose. A en croire Stryker, ses motivations étaient innocentes : elle entretenait des remords pour n’avoir pas eu le courage de voir le corps mutilé de son fils avant la mise en bière. Elle avait l’impression d’avoir manqué aux égards les plus élémentaires vis-à-vis du défunt et ce sentiment de culpabilité avait engendré, toujours aux dires de l’avocat, des troubles psychologiques sérieux, cauchemars, etc. »

En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Émile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée.
Il aura fallu plus de six ans à Mathias Malzieu pour écrire ce « Guerrier de porcelaine », son roman le plus intime, où, alliant humour et poésie, il retrace l’enfance de son père et s’interroge sur les liens puissants de la filiation.

Une superbe découverte pour moi avec cet auteur , un style poétique ou l’humour est omniprésent sans oublier un plein de tendresse . Un vrai coup de coeur pour ce roman plein d’émotion vraie .

Extraits :

« Je suis comme un diabétique qui rêve de nager dans un océan de crème chantilly. J’aime tellement la joie que je ne peux m’empêcher d’en fabriquer, même si c’est mauvais pour ma santé. Parce que je finis toujours par me coincer entre la réalité et les souvenirs. Là où les rêveries explosent comme des bulles de savon. Je vais penser à un petit-déjeuner normal à Montpellier, sans vol de poussins ni écureuils domestiques. Juste toi et l’odeur du pain grillé. Et là, je suis cuit pour plusieurs heures d’affilée. Je vais rester coincé dans le souvenir. Ça me fera un peu de joie en plus et un chagrin de boule de pétanque dans le gorge »

-Tu sais que Dieu a créé le monde en six jours ? Mais s’il avait pris autant de temps que toi pour avaler un bol de lait, on en serait encore au Moyen Age.
Je crois qu’elle essaie de faire de l’humour, du coup j’essaie de rire. C’est terrible cet humour de vieux. Pourtant, malgré l’arrière-goût d’hostie périmé, je sens une tentative de tendresse. 

 » Son rire, quand il finit par arriver, ça fait comme un court-circuit dans la guerre. Je me prends un tel taux de lumière dans le sang que je me sens luminescent. Je brille comme une étoile dans mon lit toute la nuit et je ne m’éteins qu’au petit matin. (…) L’autre soir, je me suis endormi dans ses bras. Quand elle m’a réveillé avec sa jolie tête au-dessus de la mienne, c’était mieux qu’un rêve. J’ai fini par retourner dans ma chambre avec des étoiles à la place de la tête. Toute une galaxie douce dans les cheveux, il faisait presque jour dans le couloir tellement j’irradiais. »

Mathieu tient une librairie à qui il voue tout son temps jusqu’au burn-out. Il va alors se réfugier dans la maison de son ami César qu’il a acheté en viager. Tous ses proches se succèdent pour le ramener à la raison, mais c’est encore dans l’adversité qu’il est le meilleur et trouve comment redonner un sens à sa vie.

C’est un bon roman avec de beaux dialogues qui sonnent juste.  Françoise Bourdin y évoque avec talent des problèmes de société et des relations familiales parfois difficiles. Une lecture bien agréable .

extraits

« La soirée à venir lui apparaissait comme une épreuve. Faire la conversation, mimer la gaieté ou même un simple bien-être allait lui demander des efforts considérables, et il s’en voulait d’être dans un tel état de rejet. Bon sang, il aimait Tess, il adorait sa fille, pourtant il aurait donné n’importe quoi pour qu’elles s’en aillent ! Il faillit le dire, parvint de justesse à s’en empêcher, mais cette petite victoire sur lui-même ne lui apporta aucune satisfaction. »

« Se sentait-il sur la voie de la guérison? Sauf qu’il n’était pas malade, seulement épuisé par toutes ces années d’hyperactivité qu’il s’était imposées. L’envie de réussir, de prouver que sa passion le ferait vivre et que son énergie triompherait de toutes les difficultés, l’avait mené au bord du gouffre. Comprenant qu’il risquait d’être consumé par le fameux burn-out – pudique synonyme de la dépression – il avait tout arrêté. Depuis, il refusait de songer à ce qui pouvait bien se passer en son absence. Privé de capitaine, son navire était peut-être en train de sombrer, néanmoins il ne voulait pas se poser la question. »

« Cette impression d’impuissance et de solitude, ne l’avait-il pas souvent subie lorsqu’il était enfant ? Tout venait de là. Il avait occulté le passé au lieu de le liquider et la machine s’était bloquée. Se noyer dans le travail n’avait été qu’une fuite en avant qui ne réglait rien. Accroché à son unique passion, les livres, il s’était mis des œillères. En vain. La bombe à retardement lui avait sauté à la figure. »

 » Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer. Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d’ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres soeurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu’il y a un plaisir dans l’abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s’amusent et se goinfrent, qu’est-ce que j’ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n’en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n’est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n’est désirable que parce qu’il est le jeu. »


Véronique Ovaldé, à travers l’histoire d’une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu’il nous faut déployer pour vivre nos vies.

 L’auteur aborde les blessures par le biais d’une écriture poétique mettant en avant les fragilités et les drames des histoires familiales.

Un tres bon roman au style incisif non dépourvu d’humour.

extraits :

« La maison est tellement silencieuse qu’elle entend les pommes de terre germer dans leur sac en papier kraft. »

« La mer est comme un sirop, onctueuse et amniotique. C’est une eau qui vous porte et vous lave de vos douleurs. Aïda n’avait pas nagé depuis quinze ans. Comment avait-elle pu s’en passer ? On est le lendemain de l’enterrement du Vieux. Il est sept heures du matin. Elle s’est couchée tôt la veille, ou du moins elle est montée tôt dans sa chambre, elle a lu son livre de physique quantique pour les nuls, il y avait encore du monde dans la Grande Maison, éclats de voix et quelques rires, on en avait terminé avec les chuchotis et la commisération, dernière phase des obsèques. Elle était montée parce qu’elle avait fini par se sentir comme un scarabée au milieu d’un plat de crème. »

« Il y a d’abord l’odeur du chèvrefeuille et les stridulations des mésanges, puis il y a les abeilles bombardiers qui passent en ronflant entre eux deux, leur route était là, leur route est là, elles ne vont pas changer de trajet à cause des importuns, elles n’ont que faire des importuns, ils sont trop fugaces pour être réellement incommodants, et la route des abeilles est immémoriale, on les voit se diriger vers la cheminée de la grange, elles paraissent surmenées, exécutant un ballet complexe autour de leur nid, on aimerait apprendre à décrypter leur danse, il y a aussi le toit de la grange qui s’affaisse, et les poutres qui s’effritent, constellés de minuscules trous parfaitement ronds, le sol est jonché de bois mastiqué, les choses ici s’effondrent sans fracas, c’est une très lente dégringolade, il y a la brise de mer, les pins qui bruissent sans qu’on puisse discerner leur mouvement, il y a les émanations si particulières du sable de la cour juste après l’heure la plus chaude du jour, et la poussière jaune qu’y ont saupoudrée les mimosas, il y a le vol indéchiffrable des hirondelles qui semblent toujours esquiver d’invisibles colonnes, il y a le battement profond du cœur d’Aïda qui retentit à ses oreilles, et puis surtout il y a ce garçon qu’elle connait depuis toujours assis près d’elle, elle se dit qu’il doit bien formuler des opinions mais qu’il les garde pour lui. C’est comme essayer d’imaginer à quoi rêve un nouveau-né. »

Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d’autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d’un enfant terrifié.

Mon deuxième coup de coeur , un livre que je n’ai pas pu quitter avant de l’avoir terminé . Sandrine Colette nous fait partager toute la fragilité de l’être humain avec beaucoup de poésie , malgré l’âpreté , la rudesse du récit l’émotion gomme la noirceur .

extraits

« le chant des loups nous appelle parce que c’est notre chant et aussi loin qu’on puisse remonter il y a l’éclat d’un animal en nous, c’est pour ça que ça m’émeut et que des larmes viennent brûler le bas de mes yeux. Ce n’est pas du chagrin c’est une émotion profonde viscérale racinaire et ceux qui ne ressentent pas ça ils ont tout oublié, ce sont des gens déjà morts ».

«  En vrai c’est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s’accrocher à moi, pour que j’ouvre une brèche une possibilité la largeur des mes bras et cette quête-là, cette prière muette je n’y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu’il demande le gosse c’est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c’est invisible sauf que c’est tellement là que l’air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d’un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n’est pas la peine, la tendresse je n’en ai pas du tout ou pas pour lui, on n’est plus que deux et ce n’est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui. »

« Il y a des jours où je sens avec une force infinie que c’est le même qui fait de moi un homme je veux dire avec de l’humanité et pas seulement une machine vivante ».
Finalement n’est-ce pas là l’effet que font les enfants à leurs parents le plus souvent, de devenir des hommes et des femmes avec de l’humanité, pas seulement des machines vivantes, de devenir meilleur ? Et de pouvoir se dire alors que l’enfant fait de nous ce que nous devons peu à peu : « Les choses sont à leur place, je crois ».

Rien n’est plus éphémère que la mémoire d’un enfant.
Quand Malone, du haut ses trois ans et demi, affirme que sa maman n’est pas sa vraie maman, même si cela semble impossible, Vasile, psychologue scolaire le croit.
Il est le seul… Il doit agir vite.
Découvrir la vérité cachée. Trouver de l’aide. Celle de la commandante Marianne Augresse par exemple. Car déjà les souvenirs de Malone s’effacent. Ils ne tiennent plus qu’à un fil, qu’à des bouts de souvenirs, qu’aux conversations qu’il entretient avec Gouti, sa peluche.
Le compte à rebours a commencé.

Avant que tout bascule. Que l’engrenage se déclenche. Quel les masques tombent.
Qui est Malone ?

Un roman qui tient en haleine jusqu’au bout , où l’amour maternel est mis en avant . L’énigme se met en place tout doucement , en effet au début on erre un peu au milieu des faits et des états d’âme de chacun puis c’est tambour battant que l’histoire se prolonge et on n’aura de cesse d’en connaitre la fin . Comme d’habitude Michel Bussi s’est tres bien documenté, nous apprenons beaucoup sur les mécanismes de la mémoire chez les jeunes enfants .

extraits

« Chez la plupart d’entre nous, il n’existe presque aucun souvenir direct de tout ce que l’on a vécu avant quatre ou cinq ans. Tout ce que vous faites avec vos gosses pendant les soixante premiers mois de leur vie, les emmener au zoo, à la mer, leur raconter des histoires, fêter leur anniversaire ou Noël, vous vous en souviendrez avec émotion, toute votre vie, comme si c’était hier, alors que pour eux, pchitt… le néant ! »

« Des milliers d’étoiles dans le ciel,
Des milliers de fleurs au jardin,
Des milliers d’abeilles sur les fleurs,
Des milliers de coquillages sur les plages,
Et seulement, seulement une maman. »

« Les vrais trésors ne sont pas ceux qu’on cherche toute sa vie, ils sont cachés près de nous depuis toujours. Si on les plante un jour, si on les cultive et on les arrose tous les soirs, en oubliant même pourquoi à la fin, ils fleuriront un beau matin alors qu’on ne les espérait plus. »