
Pour le tableau du samedi, initié par Lady Marianne et poursuivi par Lilou et Fardoise, un clic sur le logo.
Pour cette quinzaine Lilou nous dit :
Comme je reviens de mariage de ma fille et que samedi ce sera le 51ème anniversaire du mien, je propose
Les couples
Pour ce samedi je vous propose un tableau de Victor Prouvé : les adieux d’un réserviste. 1887

Ici le couple est à la peine de devoir se séparer en raison de la guerre , il s’agit là de celle de 1870. On ne peut que s’émouvoir en voyant cette scène , le soldat serrant dans les bras tout ce qui lui est le plus cher, son épouse et ses enfants. Comme le dit un critique » La mère désolée a une expression touchante et dans ce groupe enlacé dans un suprême baiser, on trouve une émotion vraie qui vous saisit et vous touche » La peinture de l’artiste quitte le domaine métaphorique qui lui est cher. Prouvé rappelé pour une période de 28 jours peut facilement se projeter dans la situation qu’il décrit et commence à envisager différemment son rapport au réel.
On reconnait sur ce tableau le célèbre uniforme au pantalon garance qui sera porté par l’infanterie française jusqu’en 1915, année durant laquelle il est remplacé par le célèbre uniforme bleu-gris, plus discret et plus adapté à la guerre de tranchées qui vient de s’installer. Cette scène est imaginée par le peintre Victor Prouvé en 1887, période durant laquelle le sentiment nationaliste est très fort en France, tout comme le désir d’en découdre avec les Allemands après l’humiliation subie en 1871 et la perte de l’Alsace-Lorraine, et de nombreux artistes se consacrent alors à l’exaltation du patriotisme et de l’abnégation du soldat prêt à mourir pour sa patrie, qui trouvera une tragique réalité en 1914. Ainsi, les adieux de ce fantassin du 26ème RI, pour lequel le ciel tourmenté en arrière-plan ne laisse rien présager de bon, possèdent une caractère tristement prémonitoire.
Pour rappel la fiche de mon mari sur cet artiste( je n’ai pas mis la liste de ses œuvres et de ses publications, mais sachez qu’il y en a vraiment beaucoup)
PROUVÉ Victor Emile
Nancy 1858 – Sétif (Algérie) 1943
Peintre, dessinateur, graveur en taille-douce et sur bois, sculpteur, décorateur et professeur de dessin et de peinture
Fils d’un dessinateur en broderie également modeleur céramiste chez Charles gallÉ et d’une mère lingère ; beau-frère de Michel COLLE* qui épousa sa belle-sœur en 1905.
Elève à l’Ecole primaire supérieure de Nancy à partir de 1872, il entra l’année suivante à l’Ecole municipale de dessin où il reçut l’enseignement du sculpteur Charles pÊtre puis de Théodore DEVILLY* qui lui fit découvrir l’art de DELACROIX. Il y obtint le prix d’excellence dès l’année suivante et se lia avec Emile FRIANT*, Camille MARTIN* et Mathias SCHIFF*. En 1877, une bourse municipale lui permit de se rendre à Paris où, admis aux Beaux-Arts, il fréquenta pendant cinq ans l’atelier d’Alexandre CABANEL où le rejoignit son ami FRIANT. Il réalisa au Louvre des copies des maîtres anciens, certaines commandées par la commission du musée de Nancy. Sa formation académique l’incita à se présenter – sans succès – aux essais du concours du Prix de Rome en 1881, 1883 et 1885. Après son service militaire à Béthune (1882-83) il vécut dans la capitale tout en faisant des séjours dans sa ville natale où il se fixa définitivement en 1902. Il était en effet membre du comité directeur de l’Alliance provinciale des industries d’art fondée l’année précédente par Emile GALLÉ à qui il succéda à la tête de l’Ecole de Nancy fin 1904.
Il avait débuté en 1880 au Salon de Nancy avant d’exposer à partir de 1882 au Salon des Artistes français où il obtint une mention honorable en 1885 et, l’année suivante, une médaille de 3e classe et une bourse de voyage qui lui valut de se rendre en 1888 en Tunisie où il fit un second séjour en 1889-90. Sa participation en 1886 à l’exposition « Blanc et Noir » lui valut une médaille d’argent de 2e classe. Il fut également récompensé à l’Exposition universelle de 1889 (médaille de bronze) et à celle de 1900 (médaille d’or en décoration, d’argent en peinture). En 1890, il délaissa le Salon officiel pour celui de la Société nationale qui venait d’être créée et qui lui convenait mieux par son caractère progressiste et son ouverture aux arts décoratifs. Il en fut élu sociétaire en 1893. PROUVÉ participa aussi à partir de 1903 au Salon d’Automne dont il devint sociétaire l’année suivante. Il était largement représenté à l’exposition parisienne de l’Ecole de Nancy qui se tint à Paris en 1903.
Très impliqué dans la vie locale, il adhéra en 1893 à l’Association des artistes lorrains dont il fut élu président en remplacement de Louis GRATIA*. Admis à l’Académie de Stanislas en 1906 comme membre associé correspondant, il en devint membre titulaire en 1912. Il était membre de la Société d’archéologie lorraine depuis 1908. Un grand banquet officiel fut organisé en son honneur en juin 1912. Elu cette même année conseiller municipal de Nancy délégué aux beaux-arts, il fut nommé en 1916 vice-président du Comité régional des arts appliqués.
Il se maria tardivement en 1898 (GALLÉ était son témoin) avec Marie DUHAMEL, de 21 ans sa cadette, fille d’un ancien commerçant en gros née en Angleterre où son père menait ses affaires. Le couple eut sept enfants entre 1899 et 1918.
Trop âgé pour être mobilisé, il se rendit cependant à Gerbéviller avec Auguste RAMEL* en septembre 1914 pour dessiner les ruines. Il participa à l’effort de guerre en réalisant des affiches de propagande imprimées à Nancy chez Berger-Levrault, ainsi que des bons points patriotiques et des diplômes scolaires commandés par le ministère de l’Instruction publique. Il participa en 1918 à l’exposition au profit des œuvres de guerre organisée au Petit Palais.
L’année suivante, il succéda à Jules LARCHER* comme directeur de l’Ecole des beaux-arts et des arts appliqués de Nancy, poste qu’il occupa jusqu’en 1940, se faisant apprécier pour son dynamisme et son ouverture d’esprit. Il a révélé des artistes comme Paul COLIN, Jean lurçat et René GIGUET. La défaite de 1940 lui fit quitter Nancy pour Nantua, le Calvados puis l’Algérie où l’un de ses gendres était sous-préfet.
Bien qu’il fût comblé d’honneurs au niveau national (chevalier de la Légion d’honneur en 1896, officier en 1925, commandeur en 1937) et international (officier de l’ordre de la Couronne de Chêne du Luxembourg en 1922), il continua à participer aux expositions lorraines, à Nancy (Société lorraine des Amis des Arts, Association des Artistes lorrains) mais aussi à Remiremont (1895, 1902, 1907), Gérardmer (1896), Epinal (1911) et Longwy (1914). Il prit part à Metz, en 1907, à la première exposition de la SLAAD dont il était membre du jury. L’année suivante, il organisa l’exposition de l’Ecole de Nancy à l’invitation de la Société des amis des arts de Strasbourg. Il présenta en 1913 des œuvres à la tempera à l’exposition nancéienne « Nymphéa » dont il dessina l’affiche. En 1920, la Moselle étant redevenue française, il participa à l’exposition nationale de Metz.
En tant que peintre, V. PROUVÉ céda à ses débuts aux tentations de l’orientalisme et du symbolisme, en particulier dans Sardanapale (toile présentée au Salon de 1885, achetée par l’Etat et attribuée au musée d’Alger, aujourd’hui disparue) et Les voluptueux, surprenante composition inspirée de L’Enfer de DANTE. Ensuite, il se consacra essentiellement au portrait et aux scènes exaltant le bonheur domestique et les valeurs du travail, aussi bien dans ses tableaux de chevalet que dans ses grandes compositions décoratives. On y décèle une passion pour l’étude du mouvement et du corps humain qui s’exprime dans un style vigoureux caractérisé par des couleurs chaudes et par un graphisme précis et nerveux. Il se consacra aussi au paysage, surtout après ses deux voyages en Tunisie qui lui permirent de donner libre cours à son goût pour la couleur et la lumière. Ces œuvres tunisiennes – huiles et aquarelles – se caractérisent par une liberté de touche que l’on retrouve dans les paysages peints dans la région de Carnac où l’artiste avait une résidence secondaire et séjourna régulièrement sa famille à partir de 1912. Le paysage étant pour lui lié au dépaysement, il peignit aussi sur le motif au Pays basque, en Savoie et Haute-Savoie, en Suisse, en Corse ainsi qu’à Nantua et à Briançon où vivaient deux de ses filles.
Son aisance technique, jointe à des préoccupations sociales et à la nostalgie d’un âge d’or où l’homme vivait en harmonie avec la nature, l’incita à s’intéresser à la peinture décorative qui lui donna l’occasion de réaliser de grandes compositions pour des édifices publics :
- Grand salon de l’hôtel de ville de Nancy (1891-92) :
- Les mois de l’année (12 médaillons)
- Escalier d’honneur de la mairie d’Issy-les-Moulineaux (1897-98) :
- Les âges de la vie (l’esquisse définitive fut présentée en 3 tableaux au S. de la SNBA de 1897)
- Salle des fêtes de la mairie du XIe arrondissement de Paris (1899-1902) :
- Séjour de paix et de Joie (4 panneaux, les esquisses peintes, présentées au S. de la SNBA de 1902, sont conservées au M. du Petit Palais à Paris)
- Plafond de la salle de réception de la Préfecture de Nancy (1903-04) :
- La réunion de la Lorraine à la France (h.s.t. marouflée présentée au S. de la SNBA de 1904 puis S. de Nancy, 1904, redécouverte au début des années 1890) M. des BA, Nancy
- Plafond de la salle du conseil d’administration de la Caisse d’Epargne de Commercy (1906) :
- L’Agriculture (h.s.t. marouflée)
- Les carriers (id.)
- L’Agriculture (h.s.t. marouflée)
Il participa à la décoration de la salle Poirel à l’occasion de l’exposition d’Art décoratif lorrain organisée en 1904 par l’Ecole de Nancy.
Il peignit aussi des œuvres décoratives pour des particuliers (huiles sur toile, généralement marouflées) :
- Plafond du hall de la maison de l’imprimeur Albert Bergeret à Nancy (1905, 4 jeunes femmes dans un décor naturel) Déposé après la dernière guerre et redécouvert au début des années 1990
- Plafond de la salle à manger réalisée par Eugène Vallin pour Charles MASSON à Nancy (1906, sur le thème des Cinq sens) M. de l’Ecole de Nancy
- Plafond pour la salle de billard de l’industriel Edouard PINOT à Rupt-sur-Moselle (1907-1908, fresque en 4 panneaux, aujourd’hui disparue)
- Panneau pour la villa « La Loge des Prés » de Louis CORBIN, frère d’Eugène, aux Ecrennes, 77 (1918, h.s.t., scène idyllique intitulée L’Andante)
- Panneau pour le bureau du conseil d’administration des Magasins réunis d’Eugène CORBIN à Nancy (1927, Allégorie du Commerce et de la Lorraine)
En 1925, il présenta dix panneaux sur linoleum représentant les industries régionales à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels de Paris. Commandés pour le pavillon consacré à Nancy et à l’Est de la France, ils sont conservés au Musée de l’Ecole de Nancy.
Dessinateur infatigable, il remplit d’innombrables carnets de croquis préparatoires et mit son talent au service de la publicité, de l’effort de guerre, de l’illustration, sans oublier couvertures de revues, menus, diplômes, annonces de spectacles, ex-libris etc. En 1908-09, il réalisa même des portraits-charges pour la revue Le Cri de Nancy. Reconnaissable entre tous, le graphisme sinueux de ses dessins allie puissance et élégance. Il pratiquait aussi le pastel, technique de la douceur presque exclusivement réservée aux portraits de ses proches.
Le Musée de l’Ecole de Nancy possède plus de 950 dessins réalisés par l’artiste lors de ses séjours tunisiens.
A partir de 1883, il se consacra parallèlement à la gravure qu’il pratiqua jusqu’à l’âge de 80 ans. Sa production gravée approche les 450 pièces, toutes techniques confondues : eau-forte, pointe sèche, aquatinte, manière noire, lithographie, exceptionnellement burin, zincographie, monotype et même bois pour l’illustration des Centaures (1924). Il était membre de la Société des peintres-graveurs depuis 1891 et membre fondateur de la Société internationale de la gravure originale en noir en 1908. Il collabora aux albums de L’Estampe originale en 1893 et 1894 et participa en 1904 à lapremière exposition de la Société de la gravure originale en couleur. En 1922, 76 de ses estampes figuraient à l’« Exposition des graveurs lorrains anciens et modernes » présentée par le Cercle artistique de l’Est, galeries Poirel à Nancy.
Il publia un recueil de huit lithographies en noir et sanguine à partir de croquis réalisés sur le terrain fin août 1914 ou d’après des clichés de Léopold POIRÉ* :
- Gerbéviller. 1914. (épreuves avant la lettre)Nancy, Berger-Levrault, s.d. [1915] (série rééditée dans La Grande Guerre par les artistes : 1914-1915, préface de Gustave GEFFROY, Paris-Nancy, Berger-Levrault ; Paris, Georges Crès et Cie, s.d. ; 2 réédit. Paris, Les beaux livres pour tous, s.d. [1915] et Paris, Berger-Levrault, 1919)
Convaincu de l’unité de l’art et refusant toute hiérarchie, V. PROUVÉ possédait une grande curiosité et une authentique habileté manuelle qui l’incitèrent à s’intéresser aux multiples activités des arts décoratifs et à collaborer avec de nombreux artisans d’art. Dès 1871, il dessina pour Charles GallÉ le décor d’un service d’assiettes. Il fournit ensuite des modèles de vases à Emile GallÉ et de verrerie de table à la fabrique de Vallerysthal. Il confia aussi aux céramistes MOUGIN l’édition de vases en grès et de statuettes en grès ou en biscuit. Dans le domaine de la marqueterie, on lui doit des maquettes pour gallÉ et pour Louis MAJORELLE. Autour de1900, il s’intéressa également au textile, collaborant à Nancy avec Charles FRIDRICH* et, pour ce qui est de la broderie, avec Albert HEYMANN à Nancy et avec Fernand COURTEIX dans la capitale. Il dessina aussi des motifs de nappes et de serviettes pour les tissages COLSON de Julienrupt (Vosges).
En 1892, il aborda le travail du cuir et, en collaboration avec Camille MARTIN, réalisa des reliures exécutées dans l’atelier de René WIENER. Ce fut une révolution de cet art par l’emploi de la pyrogravure – expérimentée précédemment avec des bois brûlés – associée à la mosaïque de cuir dans des « reliures-tableaux » où plats et dos développent le même décor. Réalisant la conception et la réalisation partielle de ces reliures, il se brouilla en 1897 avec R. WIENER qui s’en attribuait la paternité ; aussi confia-t-il ses productions ultérieures au relieur parisien Emile CARAYON, occasion pour lui d’aborder de nouvelles techniques comme le martelage, le repoussage ou la ciselure du cuir. Il réalisa aussi des panneaux de cuir destinés au décor mural dont l’exemple le plus abouti, exécuté en 1905-06, ornait la salle à manger de Charles MASSON conservée au Musée de l’Ecole de Nancy.
En 1893, il fournit au peintre verrier parisien Henri CAROT des cartons de vitraux dans le cadre d’un concours destiné à fournir des verrières johanniques à la cathédrale d’Orléans.
Egalement attiré par les métaux précieux, il réalisa à partir de 1897 des bijoux en or ou en argent dont il confia la mise en œuvre et l’édition à l’orfèvre parisien Charles RIVAUD. Deux ans plus tard, ses bijoux furent exposés à Londres, aux Grafton Galleries. On lui doit aussi des médailles en bronze (effigie d’E. FRIANT, Chambre de Commerce de Nancy).
Il s’intéressa occasionnellement à la ferronnerie : en 1903, il conçut une grille en fer forgé exécutée dans la capitale par Emile ROBERT et dessina probablement celle qui orne la porte de la crypte du Monument de la Victoire inauguré à Verdun en 1929.
PROUVÉ aborda la sculpture en autodidacte et réalisa en trois dimensions des œuvres très diverses, de la statuaire pour des monuments publics aux statuettes consacrées à ses enfants, en passant par les objets utilitaires et les bas-reliefs destinés aux productions de ses amis céramistes ou ébénistes. Sans oublier les exceptionnelles compositions symbolistes influencées par Auguste RODIN avec qui il entretint une correspondance. Comme l’écrivent Valérie THOMAS et Jérôme PERRIN, « vases, soliflores, porte-bouquet, coupes, lutrin, coffret, boîte aux lettres et entrée de serrure sont autant de prétextes pour l’artiste à dépasser les clivages traditionnels entre arts décoratifs et beaux-arts » (2008)
En 1893, il présenta avec C. MARTIN au concours organisé pour célébrer la victoire en 1477 de René II sur Charles le Téméraire un projet de monument qui fut primé mais non réalisé car jugé choquant. Le monument définitif fut finalement conçu par PROUVÉ, édifié par l’architecte Georges BIET et inauguré place de la Croix de Bourgogne en 1928.
Il se passionna également pour la photographie qu’il pratiqua en amateur éclairé, l’utilisant pour la préparation de certaines de ses œuvres. Il était l’ami des photographes Henri BELLIENI et Léopold POIRÉ*. Le Musée de l’Ecole de Nancy possède un fonds important de tirages et de plaques de lui ou lui ayant appartenu.
Il est le père de l’architecte et ingénieur Jean PROUVÉ (Paris 1901-Nancy 1984) et de l’architecte Henri PROUVÉ (1915 – 2012). Le fils du premier, Claude (1929-2012), choisit lui aussi la voie de l’architecture et épousa en 1963 la petite-fille de l’architecte Emile ANDRÉ*, elle-même fille d’architecte.