Défi 270 des Croqueurs de mots

Anne à la barre du bateau des croqueurs de mots pour la quinzaine nous dit :

Faire parler un objet qui raconte sa propre histoire pendant un moment déterminé ou bien son quotidien.

Qu’il est loin ce temps béni où , fringante et étincelante, je voyais à mon passage s’allumer dans les yeux des passants, des étincelles d’envie.

Il y eut d’abord ce grand magasin où, tranquille, je paradais avec mes copines sans souci du lendemain . J’en ai vu défiler des bipèdes qui me dévisageaient sans le moindre respect, j’en aurais presque perdu les pédales. Mais un jour des mains féminines se promenèrent plus longtemps qu’à l’accoutumée sur mon guidon, caressant le moelleux de ma selle, elles testèrent sa souplesse avant qu’un postérieur bien rebondi vienne s’y appuyer. Saisissant alors une de mes poignées, je sentis qu’elle allait changer le cours de ma vie. Finies les journées et les nuits à attendre dans cet espace clos l’éventuelle libératrice, elle était enfin là. Les copines médusées me regardèrent remonter l’allée jusqu’aux caisses, bientôt s’offrirait à moi la liberté d’aller par monts et par vaux, d’avaler des kilomètres sous la poussée d’un vent taquin.

Bien arrimée derrière ce qu’ils appellent une voiture, je connus immédiatement la griserie de la vitesse sur l’autoroute qui me menait à destination. J’avais l’impression de tutoyer l’hirondelle surfant sur les vagues d’Eole .

Les cris de joie qui m’accueillirent à l’arrivée, je m’en souviens encore. Elle voulut tout de suite m’entrainer sur les chemins . Quel régal, je buvais l’espace avec celle qui allait devenir ma compagne de tous les jours. Au fil des saisons , je découvrais chaque matin un nouveau paysage, une nouvelle atmosphère, la valse des feuilles sur les sentiers, le crissement des petits cailloux au bord de la rivière, la caresse du soleil réchauffant nos corps en mouvement. Mais toujours avec cette soif de prendre la route ensemble, pour notre plus grand plaisir .

Bien sur, il y eut des moments moins agréables comme ce jour où je vis venir la rambarde de la passerelle à ma rencontre, le choc fut violent. Un peu sonnées toutes les deux après cette perte d’équilibre, nous fîmes le tour de nos bosses ensemble. Heureusement il n’y eut rien de grave à signaler.

Figurez – vous aussi qu’une fois, alors que j’attendais au pied d’un magasin qu’elle finisse ses courses, un individu m’agressa , brandissant un objet tranchant pour cisailler le lien qui m’empêchait d’être enlevée . Il avait déjà tailladé une bonne épaisseur quand par miracle elle sortit. Il s’enfuit sans demander son reste, nous pûmes alors tranquillement retourner toutes les deux chez nous. Mais le lendemain, elle préféra choisir une autre sorte d’attache, beaucoup plus résistante et s’arrangea pour avoir un œil sur moi, partout où elle me déposait .

Il est aussi des souvenirs moins pénible comme récemment ces sorties en bateau sur la Moselle. Bien installée sur le ponton, je pus profiter tout à mon aise du voyage pendant qu’elle mitraillait à tout va les environs. Une sensation unique je vous assure , cette glissade sans bruit sur l’onde, avec de temps à autre le cri rauque d’un héron ou l’éclair bleuté fulgurant d’un martin pêcheur sur la berge.

Certes, je n’ai maintenant plus l’éclat de ma jeunesse, mais il n’est pas né celui qui arrêtera ma course. Tant qu’elle aura du coeur pour aller sur les chemins , je serai prête pour continuer l’aventure. Ne m’a -t – elle pas appelé son destrier favori ? Cela vous donne des ailes non ?

Publié par

giselefayet

Mots , images , mouvements, impressionnent ma plaque sensible et la communication en est le révélateur le plus puissant . Citation favorite : " Être libre ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaines , c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres." Nelson Mandela

13 réflexions au sujet de “Défi 270 des Croqueurs de mots”

  1. Quel bel hommage à ta bicyclette. Tous les objets ont une âme. Je fais une pause de commentaire cette semaine, mes petites filles arrivent. Bisous

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  2. Quelle chance il a ce vélo de te connaître, il est toujours aussi fort apprécié et cela risque de durer encore et encore, je n’en doute pas une seconde!
    Bises du jour
    Mireille du sablon

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  3. J’adore cette belle bicyclette, elle est toute mignonne dan ce qu’elle raconte. Elle a trouvé une bonne amie, pour la diriger et lui faire voir de beaux paysages. Et on y reviens au vélo. Bonne journée et une bonne semaine à venir.

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  4. Tu es restée fidèle à ta bicyclette et ton texte donne le sentiment que dans la vie vous ne faites qu’un. Tu nous fais tellement bien profiter de ces moments vécus avec elle que nous avons l’impression d’y participer. Encore un beau texte jazzy.Merci

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