Le week end, un thème, un tableau.

Pour cette quinzaine Lilou nous propose de nous intéresser au couple .

J’ai choisi le portrait de M et Mme Corbin de Victor Prouvé

Je laisse la parole à Eugène Corbin par le biais de cet extrait du parcours qui lui est consacré au musée de l’école de Nancy.

 » Ma chère Jeanne… et moi-même… vous accueillons avec plaisir dans l’appartement que nous occupions alors, près de la gare de Nancy. Victor Prouvé a peint ce tableau en 1906, l’année suivant notre mariage…

Mon goût pour l’Art nouveau est flagrant !… Vous y découvrez deux superbes pièces de ma collection : une grande amphore en verre de l’éminent Émile Gallé, et en fond de tableau, le très beau vitrail aux roses de Jacques Gruber que vous pouvez admirer aujourd’hui dans notre maison de campagne devenue musée.

Mon goût pour l’art ne se limitait pas à l’Art nouveau… Je suis en effet assis dans un fauteuil de style XVIIIe et Jeanne pose appuyée sur une console de même style.

Mais oh ! Je ne me suis pas présenté ! Je suis Jean-Baptiste Corbin, mais l’on m’appelle plus couramment Eugène…

Né en 1867, je suis le quatrième enfant d’Antoine Corbin, le fondateur des Magasins Réunis, la fameuse chaîne de grands magasins dont j’ai moi-même été le Directeur. J’étais un grand collectionneur et mécène de l’École de Nancy. J’étais un véritable passionné… J’ai commandé ou acheté de nombreux décors et objets aux artistes de l’École de Nancy. Et en 1935, j’ai fait don à la ville d’une grande partie de ma collection. Puis, dans les années 1950, la municipalité a racheté ma propriété et y a installé le musée de l’École de Nancy. »

Une toute autre œuvre avec cette lithographie intitulé le baiser , illustrant si bien ce bonheur du couple .

Pour en savoir plus sur Victor Prouvé je vous partage une partie de la fiche que lui a consacrée mon mari.

Nancy 1858 – Sétif (Algérie) 1943

Peintre, dessinateur, graveur en taille-douce et sur bois, sculpteur, décorateur et professeur de dessin et de peinture

Fils d’un dessinateur en broderie également modeleur céramiste chez Charles GALLÉ et d’une mère lingère ; beau-frère de Michel COLLE* qui épousa sa belle-sœur en 1905.

Elève à l’Ecole primaire supérieure de Nancy à partir de 1872, il entra l’année suivante à l’Ecole municipale de dessin où il reçut l’enseignement du sculpteur Charles PÊTRE puis de Théodore DEVILLY* qui lui fit découvrir l’art de DELACROIX. Il y obtint le prix d’excellence dès l’année suivante et se lia avec Emile FRIANT*, Camille MARTIN* et Mathias SCHIFF*. En 1877, une bourse municipale lui permit de se rendre à Paris où, admis aux Beaux-Arts, il fréquenta pendant cinq ans l’atelier d’Alexandre CABANEL où le rejoignit son ami FRIANT. Il réalisa au Louvre des copies des maîtres anciens, certaines commandées par la commission du musée de Nancy. Sa formation académique l’incita à se présenter – sans succès – aux essais du concours du Prix de Rome en 1881, 1883 et 1885. Après son service militaire à Béthune (1882-83) il vécut dans la capitale tout en faisant des Fséjours dans sa ville natale où il se fixa définitivement en 1902. Il était en effet membre du comité directeur de l’Alliance provinciale des industries d’art fondée l’année précédente par Emile GALLÉ à qui il succéda à la tête de l’Ecole de Nancy fin 1904.

Il avait débuté en 1880 au Salon de Nancy avant d’exposer à partir de 1882 au Salon des Artistes français où il obtint une mention honorable en 1885 et, l’année suivante, une médaille de 3e classe et une bourse de voyage qui lui valut de se rendre en 1888 en Tunisie où il fit un second séjour en 1889-90. Sa participation en 1886 à l’exposition « Blanc et Noir » lui valut une médaille d’argent de 2e classe. Il fut également récompensé à l’Exposition universelle de 1889 (médaille de bronze) et à celle de 1900 (médaille d’or en décoration, d’argent en peinture). En 1890, il délaissa le Salon officiel pour celui de la Société nationale qui venait d’être créée et qui lui convenait mieux par son caractère progressiste et son ouverture aux arts décoratifs. Il en fut élu sociétaire en 1893. PROUVÉ participa aussi à partir de 1903 au Salon d’Automne dont il devint sociétaire l’année suivante. Il était largement représenté à l’exposition parisienne de l’Ecole de Nancy qui se tint à Paris en 1903.

Très impliqué dans la vie locale, il adhéra en 1893 à l’Association des artistes lorrains dont il fut élu président en remplacement de Louis GRATIA*. Admis à l’Académie de Stanislas en 1906 comme membre associé correspondant, il en devint membre titulaire en 1912. Il était membre de la Société d’archéologie lorraine depuis 1908. Un grand banquet officiel fut organisé en son honneur en juin 1912. Elu cette même année conseiller municipal de Nancy délégué aux beaux-arts, il fut nommé en 1916 vice-président du Comité régional des arts appliqués.

Il se maria tardivement en 1898 (GALLÉ était son témoin) avec Marie DUHAMEL, de 21 ans sa cadette, fille d’un ancien commerçant en gros née en Angleterre où son père menait ses affaires. Le couple eut sept enfants entre 1899 et 1918.

Trop âgé pour être mobilisé, il se rendit cependant à Gerbéviller avec Auguste RAMEL* en septembre 1914 pour dessiner les ruines. Il participa à l’effort de guerre en réalisant des affiches de propagande imprimées à Nancy chez Berger-Levrault, ainsi que des bons points patriotiques et des diplômes scolaires commandés par le ministère de l’Instruction publique. Il participa en 1918 à l’exposition au profit des œuvres de guerre organisée au Petit Palais.

L’année suivante, il succéda à Jules LARCHER* comme directeur de l’Ecole des beaux-arts et des arts appliqués de Nancy, poste qu’il occupa jusqu’en 1940, se faisant apprécier pour son dynamisme et son ouverture d’esprit. Il a révélé des artistes comme Paul COLIN, Jean LURÇAT et René GIGUET. La défaite de 1940 lui fit quitter Nancy pour Nantua, le Calvados puis l’Algérie où l’un de ses gendres était sous-préfet.

Bien qu’il fût comblé d’honneurs au niveau national (chevalier de la Légion d’honneur en 1896, officier en 1925, commandeur en 1937) et international (officier de l’ordre de la Couronne de Chêne du Luxembourg en 1922), il continua à participer aux expositions lorraines, à Nancy (Société lorraine des Amis des Arts, Association des Artistes lorrains) mais aussi à Remiremont (1895, 1902, 1907), Gérardmer (1896), Epinal (1911) et Longwy (1914). Il prit part à Metz, en 1907, à la première exposition de la SLAAD dont il était membre du jury. L’année suivante, il organisa l’exposition de l’Ecole de Nancy à l’invitation de la Société des amis des arts de Strasbourg. Il présenta en 1913 des œuvres à la tempera à l’exposition nancéienne « Nymphéa » dont il dessina l’affiche. En 1920, la Moselle étant redevenue française, il participa à l’exposition nationale de Metz.

En tant que peintre, V. PROUVÉ céda à ses débuts aux tentations de l’orientalisme et du symbolisme, en particulier dans Sardanapale (toile présentée au Salon de 1885, achetée par l’Etat et attribuée au musée d’Alger, aujourd’hui disparue) et Les voluptueux, surprenante composition inspirée de L’Enfer de DANTE. Ensuite, il se consacra essentiellement au portrait et aux scènes exaltant le bonheur domestique et les valeurs du travail, aussi bien dans ses tableaux de chevalet que dans ses grandes compositions décoratives. On y décèle une passion pour l’étude du mouvement et du corps humain qui s’exprime dans un style vigoureux caractérisé par des couleurs chaudes et par un graphisme précis et nerveux. Il se consacra aussi au paysage, surtout après ses deux voyages en Tunisie qui lui permirent de donner libre cours à son goût pour la couleur et la lumière. Ces œuvres tunisiennes – huiles et aquarelles – se caractérisent par une liberté de touche que l’on retrouve dans les paysages peints dans la région de Carnac où l’artiste avait une résidence secondaire et séjourna régulièrement sa famille à partir de 1912. Le paysage étant pour lui lié au dépaysement, il peignit aussi sur le motif au Pays basque, en Savoie et Haute-Savoie, en Suisse, en Corse ainsi qu’à Nantua et à Briançon où vivaient deux de ses filles.

Son aisance technique, jointe à des préoccupations sociales et à la nostalgie d’un âge d’or où l’homme vivait en harmonie avec la nature, l’incita à s’intéresser à la peinture décorative qui lui donna l’occasion de réaliser de grandes compositions pour des édifices publics.

Dessinateur infatigable, il remplit d’innombrables carnets de croquis préparatoires et mit son talent au service de la publicité, de l’effort de guerre, de l’illustration, sans oublier couvertures de revues, menus, diplômes, annonces de spectacles, ex-libris etc. En 1908-09, il réalisa même des portraits-charges pour la revue Le Cri de Nancy. Reconnaissable entre tous, le graphisme sinueux de ses dessins allie puissance et élégance. Il pratiquait aussi le pastel, technique de la douceur presque exclusivement réservée aux portraits de ses proches.

Le Musée de l’Ecole de Nancy possède plus de 950 dessins réalisés par l’artiste lors de ses séjours tunisiens.

A partir de 1883, il se consacra parallèlement à la gravure qu’il pratiqua jusqu’à l’âge de 80 ans. Sa production gravée approche les 450 pièces, toutes techniques confondues : eau-forte, pointe sèche, aquatinte, manière noire, lithographie, exceptionnellement burin, zincographie, monotype et même bois pour l’illustration des Centaures (1924). Il était membre de la Société des peintres-graveurs depuis 1891 et membre fondateur de la Société internationale de la gravure originale en noir en 1908. Il collabora aux albums de L’Estampe originale en 1893 et 1894 et participa en 1904 à la première exposition de la Société de la gravure originale en couleur. En 1922, 76 de ses estampes figuraient à l’ « Exposition des graveurs lorrains anciens et modernes » présentée par le Cercle artistique de l’Est, galeries Poirel à Nancy.

Convaincu de l’unité de l’art et refusant toute hiérarchie, V. PROUVÉ possédait une grande curiosité et une authentique habileté manuelle qui l’incitèrent à s’intéresser aux multiples activités des arts décoratifs et à collaborer avec de nombreux artisans d’art.

Publié par

giselefayet

Mots , images , mouvements, impressionnent ma plaque sensible et la communication en est le révélateur le plus puissant . Citation favorite : " Être libre ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaines , c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres." Nelson Mandela

27 réflexions au sujet de “Le week end, un thème, un tableau.”

    1. Merci à tous les deux pour cet article partagé!
      J’adore le trio , on ressent tellement d’amour en l’admirant….
      Bon w-end!
      Bises de Mireille du sablon

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  1. Un couple heureux Jazzy !
    Belle présentation ce ce tableau signé Victor Prouvé.
    Merci à ton mari pour la fiche concernant ce peintre.
    Bises et bon samedi – Zaza

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  2. quelle douceur …j’ai été attirée par cette grande amphore de Gallé j’aime beaucoup cette « école de Nancy »
    Merci d’avoir mis à notre disposition cette fiche Victor Prouvé.
    Bon WE Jazzy

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  3. Un superbe tableau lumineux et rayonnant . Rien à voir avec les couples où le mari renfrogné lit le journal tandis que l’épouse se morfond . Ici , il y a échange et tendresse entre les deux personnages . Et la présence de Gallé par l’intermédiaire d’une amphore en verre et d’un vitrail l’encre en beauté dans son époque !
    Pulsatilla .

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  4. Le style Belle Époque apparaît clairement dans le portrait du couple : lumière indirecte, meubles de style, amphore de collection, très beau vitrail, attitude altière, habillement recherché, position avantageuse des personnages. Il s’agit visiblement de bourgeois fortunés, appréciant l’art nouveau.
    Un tableau réussi, même s’il reste dans la tradition.
    Merci Gisèle, pour ce choix, et cette présentation de Victor Prouvé.

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  5. Magnifiques, ces tableaux reflets d’une époque et d’une société !
    Merci à ta moitié pour son écrit !!!
    Bon week end, bisous
    Geneviève

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  6. Une belle découverte avec tes deux choix.. Un plus pour la lithographie avec ce beau moment de bonheur si dégage…J’adore.. Merci à vous deux de nous faire découvrir ce peintre ..Doux week-end bises.

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  7. Toute une époque, une période artistique que j’aime beaucoup. Ce couple a l’air non seulement heureux, mais aussi prospère dans ce cadre à la fois cossu et lumineux. Françoise/Fardoise

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  8. Tout baigne pour ce couple élégant et prospère du premier tableau. Mais je préfère de loin la deuxième œuvre et le bisou du papa à l’enfant. Il prend sa femme par la taille pour assurer son équilibre alors qu’elle soulève le bébé qui sourit. Le bonheur familial sans nuage, j’adore !

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  9. beaux tableaux esprit de famille
    trés bien réalisés
    et merci pour ces explications trés intéressantes
    beau choix pour ce théme
    bonne soirée pour toi
    kénavo
    Monica-breiz

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  10. Ce portrait est décontracté, libre que ce soit la posture de l’homme ou l’attitude de sa femme, un rien frivole.
    Peinture très nancéenne de l’art nouveau.
    Bourgeois et pourtant pas guindé.
    La lithographie est une belle présentation de l’amour. Ce mouvement du coeur. Le petit enfant est là. Qui n’a pas vécu cette scène ?
    Bises et bon dimanche

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